Depuis fin 2017 un bras de fer oppose TF1 aux fournisseurs d’accès comme Orange, Free ou Canal+, qui a arrêté la diffusion des chaînes de TF1 pour ses abonnés hier. Au coeur du débat les 10 millions que réclame TF1 pour les droits de diffusion de ses chaines, soit un montant 10 fois supérieur à l’actuel.
Au coeur de la bataille, d’un côté il y a un producteur de contenu média qui est essentiel pour pouvoir proposer un service au client, il parait donc légitime que stratégiquement il essaie d’imposer ses règles. Sauf qu’en face il y a un autre type d’acteurs, ce sont des plateformes. Ce sont des intermédiaires entre les producteurs d’un produit ou un service et le client. Ils ne produisent pas de contenu mais se contentent de l’agréger pour le proposer au client final via leur interface, c’est exactement ce que font Orange, Canal + ou Free.
Dans économie actuelle, les modèles de plateforme s’imposent de plus en plus quelque soit le secteur. Leur force c’est d’offrir une large palette de services aux clients via un point d’entrée unique et à moindre coût, car la plateforme ne produit rien en interne mais utilise les acteurs de l’écosystème comme contributeurs. Leurs modèle opérationnel efficace n’est pas la seule force, les plateformes se positionnent aussi comme point d’entrée de la relation client, récupérant ainsi la place stratégique dans la chaine de valeur.
Les rapports de force traditionnels entre un producteur et la plateforme, sont souvent à l’avantage des plateformes. Dans la plupart des cas, elles deviennent un point d’entrée incontournable pour les clients, lorsqu’un producteur choisi de ne plus être sur la plateforme, c’est en réalité le premier pénalisé. Par exemple un commerçant qui fait le choix de retirer ses produits d’Amazon perd automatiquement en visibilité et en nombre de clients accessibles.
La nuance c’est que dans notre cas, à l’inverse des vrais modèles de plateforme, le nombre de producteurs de contenu média potentiel (donc les fournisseurs de la plateforme) est limité et que TF1 fait partie des plus importants.
Néanmoins, il faut bien se rendre compte que le client ne va pas quitter la plateforme ou en changer parce que son producteur préféré n’y est plus. Les plateformes sont comme des supermarchés, en cas de conflit avec les producteurs, le supermarché retire des références de son rayon, le client va être mécontent de ne pas trouver son produit préféré, mais ne va pas faire l’effort d’aller dans un autre supermarché pour le trouver.
C’est le cas ici avec TF1, de plus en plus de clients passent uniquement par les fournisseurs d’accès pour regarder les chaines télévisées, en bénéficiant notamment des services compléméntaires offerts ( Mise en pause, enregistrement, replay…). Ne plus pouvoir accès aux chaines de TF1, va certainement frustrer les clients et dégrader l’image de marque de la chaine. Au delà de la frustration, il y a peu de chances que tous les abonnés changent d’opérateur pour passer chez SFR qui diffuse encore les chaînes du groupe, par conséquent le risque c’est que cette manoeuvre se concrétise via une perte d’audience pour TF1 et donc un impact sur les revenus publicitaires.
Le tour de force opéré par TF1 est donc osé pour un producteur, mais qui pourrait réussir par exemple si d’autres chaines imposent les mêmes conditions, affaire à suivre….